lundi 22 mai 2017

La Chapelle : femmes dans l'espace public

Après les alertes des journaux et des réseaux sociaux, je me suis rendue en métro à La Chapelle, ce samedi après-midi, vers 14heures. La campagne électorale battant son plein, mieux vaut se faire une idée par soi-même plutôt qu'être instrumentalisée, et même si la pétition de l'association de quartier me semblait crédible.

Bonne surprise dans le métro : des places assises de libres. Même pas bondé à Stalingrad. Ouf, parce que d’habitude, ça craint tellement nous sommes entassé.es. Stratégies d'évitement du corps des autres avec mon sac. Crainte des mecs qui vous collent.
Sortie de la rame : avec ma complice féministe, nous descendons les escaliers, et là, ça se gâte :

Elle est où la Ville Lumière ?

Sous le métro aérien, des grillages, restes de l'évacuation des campements de migrants/réfugiés qui ont rejoint, pour partie, le Centre de Premier Accueil (CPA) sis à Ivry-sur-Seine et déjà surbooké. Mais disons-le tout net : des grillages, pour empêcher l'installation de nouveaux campements, c'est glauque.
A peine sortie du métro, je suis interpellée par des trafiquants en tout genre, qui me tendent des cigarettes, montres et autres marchandises .... tombées du camion. Il faut traverser une haie d'hommes jeunes, regroupés sur le terre-plein, au regard à la fois fuyant et inquiet, mais qui vous regardent avec arrogance si vous vous arrêtez devant eux sans acheter leur marchandise. Malaise. Passez votre chemin. Ne dérangez pas notre business.
Personne dans le square. Il est fermé.
En traversant le boulevard, je croise deux jeunes femmes, tee-shirt et pantalon, cheveux au vent, suivies par un homme souriant, qui ne peut détacher son regard de leurs fesses.
Beaucoup d'hommes, debout en petits groupes, ou en terrasse de cafés, ou qui se promènent nonchalamment.



Et puis, des femmes principalement d'origine sub-sahariennes, hidjabs et jupes longues ou abayas, toutes de noires vêtues, entourées d'enfants, portant de lourd sacs ou poussant poussettes. Ces mêmes femmes qui, une décennie plus tôt, portaient fièrement boubous et décolletés. Impossible d'accrocher leurs regards. Elles tracent, comme si le monde autour d'elles n'existaient pas. 








Nous prenons la rue adjacente pour arriver à la Halle Pajol. Un autre monde, une autre population. Je suis sidérée par le contraste.
Nous bifurquons rue Riquet. Quelques jeunes hommes "tiennent les murs".
Rue Max Dormoy, un homme, la cinquantaine, d’origine maghrébine, barbu, nous interpelle. Alors je me souviens de cette maman d’origine tunisienne, qui à mon cabinet, m'a raconté comment elle s'était faite agressée verbalement un soir dans la rue, en rentrant de son travail, par un barbu, parce qu'elle n'était pas voilée.
Nous hésitons puis continuons notre chemin.

Une femme en hidjab, assise par terre, mendie. A 2 mètres, un homme semble la surveiller.
Sur le trottoir en face, l'école publique. Le bâtiment nécessite un ravalement. Je me souviens de l'époque où j'étais institutrice, et où, lors de réunions syndicales, nous comparions la différence de moyens entre les écoles de certains quartiers. Je ne sais si ces disparités existent toujours, mais la façade de cette école n'est pas attractive. Un sentiment de laisser-aller.



Passer devant un immeuble démoli, voir sur le mur mitoyen ces immenses dessins, puis croiser des adolescentes portant hidjabs et jupes longues noires. Ils ont donc gagné dans ce quartier ?

Passerelle, au dessus de la voie ferrée : marché de la misère et petits trafics : femmes en hidjabs assises par terre, qui mendient ou vendent des habits, hommes qui vendent des objets ... tombés du camion.
A hauteur de La Chapelle, nous longeons les grillages sous le métro aérien : détritus, bouteilles cassées, urines dégoulinantes à chaque poteau.

Retour vers le métro, croiser des femmes d'origine maghrébine en hijab et abaya noire. Impossible d'accrocher leur regard.
Elles sont enfermées dans leurs bulles noires.
Nous sommes transparentes, effacées, invisibles.
 

mardi 2 mai 2017

Voter Macron pour ouvrir le champ des possibles

Longtemps je me suis tue sur mon blog.
Choquée par les attentats islamistes et la montée des obscurantismes ici et dans le monde.
Fachée par l'incapacité du gouvernement à enrayer la montée du vote FN.
Sidérée par la violence des attaques sur les réseaux sociaux.
Décontenancée par les stratégies de la tension en œuvre depuis des années, de la part de l'extrême droite ...mais pas que.

Pas si simple de garder la tête froide face aux populismes qui rivalisent entre : 
- dénonciation des "élites dirigeantes"ou fantasmées dirigeantes.
- discours émotionnels qui surfent sur des difficultés réelles, mais dont l'objectif est de désigner et jeter à la vindicte populaire des boucs émissaires et diviser la société.
- excitation d'une catégorie de la population contre une autre.
- valorisation du "peuple", un peuple fantasmé dont les leaders s'autoproclament nos porte-voix.

Pas si simple de garder le cap face aux stratégies de la tension venant : 
- de l'extrême droite : contre les ABCD de l'égalité, la Manif pour tous...
- des islamistes et de leurs idiots utiles qui ne sont pas Charlie.
- de "la gauche" gouvernementale qui voulait gagner le prochain congrès du PS.
- de la "gauche" de la gauche gouvernementale qui tablait sur les mouvements sociaux.
- de l'extrême gauche violente qui empêchait chaque manifestation de se dérouler dans le calme.

Il faut bien reconnaître que dans ces conditions, les gouvernements Hollande n'ont pas su ou pu reprendre la main.

Ainsi, pendant des années, nous avons assisté à l'exacerbation des conflits, aux vociférations, à l'hystérisation des débats.

Moi-même j'avais le sentiment que toute manifestation contre le gouvernement faisait partie de cette stratégie de la tension que je refusais. J'ai cherché une porte de sortie.

J'ai quitté EELV, adhéré au Front Démocrate puis à l'UDE. Un peu avant le premier tour de l'élection présidentielle, j'ai rejoint En Marche ! , pensant que seul le candidat Emmanuel Macron pouvait tenir la digue face à Marine Le Pen et son programme de régression.

D'aucun.es me disent que Mélenchon a fait le boulot face à Le Pen. J'ai cru un moment que le populisme de Mélenchon qui surfait sur la colère et les frustrations enrayerait la montée du vote Le Pen. Aujourd'hui je pense qu'ils se sont nourris l'un l'autre : quand on utilise les mêmes ressorts, ça laisse des traces et pire, ça prépare des passerelles.

Je sais gréé à Emmanuel Macron de ne pas participer à l'hystérisation du débat.
Je sais gréé à E. Macron d'avoir à cœur de défendre les valeurs de la République et d'assumer l'héritage des Lumières.
Je sais gréé à E. Macron de vouloir renouveler la gauche qui n'a pas su s'adapter aux formidables changements induits par l'évolution des sciences et des technologies.
Je sais gréé à E. Macron de clamer que le droit à l'avortement est inaliénable, la parité une nécessité, et la gestation pour autrui une atteinte aux droits des femmes, aux droits humains.
Et surtout, je sais gréé à E. Macron de se battre pied à pied contre le programme de M. Le Pen qui nous promet une France rance, repliée sur son passé et sur elle-même, avec des recettes qui partout où elles ont été mises en œuvre ont mené au fiasco économique et à la confiscation des libertés individuelles et collectives.

Non, Macron et Le Pen, ne se valent pas ! Quelles confusions dans l'analyse que faire le parallèle entre un démocrate libéral et l'héritière d'un parti qui s'est nourri au lait du pétainisme.
Quant à cette prédiction pour justifier le vote blanc "Macron c'est le FN dans 5 ans", je me demande encore de quel horoscope elle est issue. Parce que sérieux, Le Pen, c'est pas le FN maintenant ?