lundi 9 décembre 2013

François, Sylvain, Jean-Jacques, Stéphane, Jean-Paul, l’émancipation ne peut s’accommoder du système prostitutionnel.

Ce mercredi 3 décembre, l'Assemblée nationale a confirmé la position abolitionniste de la France en votant la proposition de loi concernant la lutte contre le système prostitutionnel.
Un vote historique sur lequel je reviendrai.

La veille, Mediapart a publié mon article destiné à convaincre des opposants à cette loi qui m'avaient interpellée.
 
François, Sylvain, Jean-Jacques, Stéphane, Jean-Paul, l'émancipation ne peut s’accommoder du système prostitutionnel.

Vous m’avez interpellée dans les débats concernant la prostitution. Je vous remercie pour la sincérité de vos questionnements. Je vous devais de vous répondre. Je le fais publiquement, car je sais que nombre de personnes s’interrogent sur le sujet.

La prostitution, un espace confiné, dédié aux violences

Nous sommes, vous et moi, défenseur-es de l’égalité, comme d’autres furent en leur temps abolitionnistes contre l’esclavage. Un homme en vaut bien un autre, quelle que soit sa couleur de peau. Aujourd’hui il s’agit de dire :
-          une femme vaut bien un homme. L’assigner à un rôle de dominée au prétexte qu’elle est femme, est bien archaïque.
-          Un homme, vaut bien un autre homme, et l’assigner à un rôle de dominé au prétexte qu’il est gay ou trans, est bien archaïque aussi.
On ne peut réduire la prostitution à une question de misère économique : il s’agit d’un contrat où l’acheteur (99% des acheteurs sont des hommes), use voire abuse de son pouvoir financier sur la personne prostituée. C’est dans ces situations d’inégalité, dans le huis clos « des chambres », là où les prostitué-es sont à la merci des acheteurs, que s’exercent les violences, que le contact ait été noué sur internet ou dans la rue.  La violence physique et psychique est le corollaire de l’acte sexuel acheté. Les témoignages des personnes prostituées et des médecins en attestent. 

Misère et pornographie, justifications de la prostitution ?

« Tous les clients ne sont pas de mauvais bougres. Les prostituées jouent un rôle social face à la misère aggravée par le déferlement de la pornographie », me dites-vous.
Effectivement, l’industrie du sexe via la pornographie, tente d’imposer des normes extrêmement violentes et inégalitaires dans les rapports et les relations sexuelles entre les hommes et les femmes. Elle véhicule l’idée faussement scientifique que les hommes seraient naturellement dans une sexualité plus pulsionnelle et irrépressible que les femmes. Il est d’autant plus urgent de renforcer l’éducation à la sexualité et à l’égalité dans l’Education. La loi proposée au vote de l’Assemblée comprend aussi un volet éducatif.
Quant à la misère affective ou sexuelle que les personnes prostituées permettraient de soulager, pensez-vous sincèrement que quelques minutes de sexe résolvent leurs problèmes ?  Par contre, depuis que le débat s’est ouvert, nous savons que 80% des prostituées sont d’origine étrangère, victimes d’un esclavagisme sexuel, amenées en France par les réseaux de trafic d’êtres humains qui souvent leur confisquent leurs gains. Avoir recours à ces personnes prostituées c’est être complice des réseaux et contribuer à leur prospérité. A cette complicité, la loi répondra responsabilisation-pénalisation de l’acheteur. Nous qui voulons lutter contre l’argent sale, nous qui prônons la responsabilité individuelle comment pouvons-nous être contre cette démarche ?

Quelle législation pour lutter contre le trafic d’êtres humains ?

Les pays qui ont choisi la voie prohibitionniste comme la Russie ont mis le marché de la prostitution dans les mains des mafias, ce qui ne nous surprend pas.
Les pays comme l’Allemagne qui ont choisi de règlementer les métiers de la prostitution s’aperçoivent que les réseaux ont investi dans les Eros Center. Pire, alors que l’objectif de l’Allemagne était de  protéger les prostituées, seulement 44  « travailleuses du sexe » ont recours à des droits sociaux. Les problèmes sanitaires ont augmenté en raison de la toute puissance des désirs des acheteurs, décuplés par l’accroissement du  nombre de prostituées qui atteindraient les 400 000 personnes, principalement d’origine étrangère.
La France, si la proposition de loi est adoptée, choisira la voie abolitionniste. S’attaquer au marché en tarissant la demande : responsabilisation-pénalisation de l’acheteur d’acte sexuel et dépénalisation du délit de racolage, éducation à l’égalité, aides  des personnes prostituées à l’accès aux soins, accompagnement dans un parcours de sortie du système prostitutionnel.
 La Suède, symbole la libération sexuelle, a choisi en 1999 la voie abolitionniste. Aujourd’hui, les réseaux s’en sont pour la plupart détournés.

François, Sylvain, Jean-Jacques, Stéphane, Jean-Paul, faites voter pour l’abolition !

                                                          Arlette Zilberg, abolitionniste, féministe, écologiste.

dimanche 1 décembre 2013

Abolitionnistes, Féministes, Ecologistes

Ce lundi 25 novembre, journée internationale pour l'élimination des violences faites aux femmes, Mediapart a publié sur son site, une tribune collective que j'ai co-signée avec des personnalités écolos. Cette tribune vient en soutien à la proposition de loi concernant la lutte contre le système prostitutionnel.
Comme vous pourrez le voir, nombre d'écologistes considèrent que cette loi sera une grande avancée pour notre société vers des relations pacifiées entre les hommes et les femmes.

   ABOLITIONNISTES, FÉMINISTES, ÉCOLOGISTES

Dans le cadre d’une avancée de notre société vers l’égalité entre les femmes et les hommes, une proposition de loi, renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, sera soumise au vote de l’Assemblée Nationale le 29 novembre 2013. Ecologistes, nous soutenons cette proposition de loi.

 

Faire reculer le système prostitutionnel, une avancée vers l’égalité Femmes/ Hommes.

En France comme en Europe, la grande majorité des personnes prostituées sont des femmes. La quasi-totalité des acheteurs d'actes sexuels sont des hommes.
La prostitution est une affaire de répartition sexuée des rôles sociaux, reflet de la domination masculine sur laquelle s’est bâtie et continue de fonctionner  notre société. Et si les personnes prostituées comptent aussi quelques hommes, la domination masculine opère encore : la grande majorité des acheteurs reste des hommes.
Les débats autour de cette proposition de loi dévoilent l’immense écart  entre mythes et réalité. La mythologie de la « fille de joie » s’est muée en fantasme de l’escort girl sexuellement libérée. Mais les violences demeurent au cœur du système et le recours à internet n’y a rien changé.
Nombre d’anciennes prostituées témoignent des traumatismes,  des violences physiques et psychologiques subies, dont les auteurs sont  des proxénètes mais aussi des « clients ». Les personnes prostituées sont à la merci de leurs exigences et de leur violence potentielle. Les jeunes femmes victimes de la traite sont parfois soumises à des séances de « dressage » via les viols et les  violences physiques.
La répétition fréquente d’actes sexuels non désirés, porte atteinte à l’intégrité des personnes. La prostitution n’est pas un simple jeu libertin où l'on peut gagner de l'argent. La liberté ne s’accommode pas d’actes attentatoires à la dignité humaine. 

Faire reculer le trafic et la traite des êtres humains en France et en Europe

La prostitution et la traite des êtres humains se renforcent mutuellement pour répondre à la demande des acheteurs d’acte sexuel. En France, la prostitution c’est  environ 90% de femmes d’origine étrangère en situation de précarité, souvent amenées de force, des pays d’Europe centrale et orientale, et d’Afrique. La question des relations Nord-Sud, de l’immigration et de la pauvreté est prégnante.
La traite des êtres humains est le 3ème trafic financier mondial après le trafic d’armes et la drogue.
L’Allemagne et les Pays bas ont choisi de légaliser le «travail du sexe» et dépénalisé  le proxénétisme.  L’intimité de l’être humain mise sur le marché, on assiste à une banalisation de la prostitution et  à une expansion massive de l’industrie du sexe. L’ultra libéralisme est la voie royale qu’utilisent proxénètes et réseaux pour prospérer. Les proxénètes trafiquants sont devenus des « entrepreneurs » faisant fructifier leur « entreprise ».
La « demande » entretient « l’offre », comme dans tout marché.
L’Union Européenne, dans sa stratégie de lutte contre le trafic des êtres humains, recommande aux états  membres de réduire  la demande. C’est l’objectif de la proposition de loi qui responsabilise et pénalise l’acheteur, tout en protégeant et donnant des droits à l’immense majorité des personnes prostituées qui sont avant tout des victimes de violences. La Suède a fait ce choix il y a 15 ans. Les réseaux se sont quasiment tous retirés et le nombre de personnes prostituées a été divisé de moitié. La Suède a choisi de garder la sexualité et l’intime en dehors de la loi des marchés. Elle a été suivie par la Norvège et l’Islande.

Faire reculer la prostitution, c’est revaloriser le rôle de la  politique

Réalistes, nous savons que  si la loi est votée  la prostitution restera pratiquée, mais à titre individuel et de façon marginale. Pour les situations qui perdureront, toute politique répressive à l'encontre des personnes prostituées ayant été abrogée, une véritable politique de renforcement de l'accès aux soins et de réduction des risques sanitaires sera mise en œuvre : le gouvernement travaille avec les associations à établir un «référentiel de réduction des risques » en matière de santé pour mieux accompagner les personnes.
Lorsque la liberté s’accompagne d’actes attentatoires à la dignité humaine, la loi,  vecteur de l’intérêt général, doit intervenir. C’est un choix de société, que nous souhaitons aussi dans l’intérêt des générations à venir. 
Il est de la responsabilité du Parlement de décourager ce marché sordide.
Abolitionnistes, nous sommes pour la lutte contre le système prostitutionnel.
Féministes, nous demandons aux député-es de s’engager vers une société d’égalité entre les femmes et les hommes et de protéger la dignité de la personne humaine face à la violence de la traite et de la prostitution.
Ecologistes, nous demandons aux député-es de s’engager dans la construction d’une société libérée de la prostitution et de faire barrage aux diktats de l’ultra libéralisme.

Signataires :
Nicole Kiil-Nielsen députée européenne, Catherine Grèze députée européenne, Laurence Abeille députée, Eva SAS députée, Leïla Aïchi sénatrice, Anny Poursinoff ancienne députée co-fondatrice de la commission Femmes des Verts, Michèle Loup ancienne conseillère régionale IdF en charge de l’égalité femmes/hommes, Jocelyne Le Boulicaut vice-présidente de l’observatoire du genre des Verts Européens, Arlette Zilberg ancienne responsable de la commission féminisme EELV.